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En ce qui concerne la pratique de la pleine conscience, tout peut être un objet d’attention. La façon dont chacun des cinq obstacles se manifeste dans la vie d’une personne est unique. Il nous appartient donc de découvrir la façon dont chaque obstacle agit en nous et comment il entrave notre progression sur le chemin de la pratique. Après le plaisir des sens, le deuxième de ces obstacles est la colère qui nous cache la joie.

La colère est l’expression du fait que nous n’acceptons pas les choses telles qu’elles sont : peut-être voudrions-nous réussir à bien faire notre méditation et, justement, le voisin fait des travaux ! Ou alors il y a un moustique affamé qui tourne dans la pièce ! Peut-être même que le coussin est bien trop dur ou bien trop mou et c’est i-n-s-u-p-p-o-r-t-a-b-l-e. Nous voudrions que la situation soit différente de ce qu’elle est !

Nous refusons, en fait, qu’elle ne soit pas telle que nous le désirions tout en ressentant une forme d’impuissance. Nous perdons alors notre attention à l’instant présent et nous ne parvenons pas à méditer.

Au moindre sentiment d’aversion, de rejet, de dépréciation, de mécontentement ou de haine, nous faisons donc face au deuxième obstacle : la colère.

Qu’est-ce que la colère ?

Elle est engendrée par la plus petite pensée d’insatisfaction et elle est le plus souvent une manifestation de surface de quelque chose de plus profond, de plus enfoui dont nous n’avons généralement pas conscience. Elle peut provenir d’un désir frustré, d’une peur, d’une blessure ou d’un inconfort affectif, d’un sentiment d’infériorité ou d’abandon, d’un conflit intérieur ou extérieur, voire même d’un comportement acquis depuis la petite enfance.

Si nous n’y prenons pas garde, la colère peut entretenir une forme de malveillance permanente envers nous-mêmes et envers autrui. Elle installe de la mauvaise humeur, de l’irritabilité et même de la suspicion envers les intentions d’autrui. C’est comme une maladie rampante qui s’installe et grignote inlassablement notre confiance en nous, dans les autres et dans la Vie: nous vivons alors des querelles fréquentes et des conflits dans la plupart de nos relations, avec notre famille, nos amis et nos collègues.

Et – tant que nous ne réalisons pas que le Monde n’est, en fait, que le reflet de notre âme – nous ne comprenons pas pourquoi notre environnement est si hostile et malveillant.

Je ne me sentais pas responsable de ma colère

Accepter l’idée que l’unique responsable de notre colère c’est nous-même, cela peut prendre un certain temps. 😀 Ça en a pris pour moi, en tous cas, qui était sujet à de fréquentes colères noires. Des colères qui, d’une certaine façon, prenaient comme possession de moi : je me voyais me mettre dans une colère furieuse, dire des choses blessantes et me comporter de façon agressive sans rien pouvoir faire pour m’arrêter.

C’était comme vomir quelque chose qui se trouvait à l’intérieur de moi, sans rien pouvoir contenir plus longtemps. Comme un trop plein qui se met à couler avec la goutte de trop, vous savez, celle qui fait “déborder le vase”. Et dieu sait que mon vase débordait souvent. En fait, j’étais une vraie barrique de colère liquide. 😀 😀 😀

Je ne me sentais pas responsable de ma propre colère, comme si j’avais besoin de trouver un coupable à l’extérieur : “je n’en peux plus de ces embouteillages qui me fatiguent” !!! Ou “il doit se comporter différemment avec moi s’il veut que je reste calme” !!! Ou “elle ne peut pas dire ça en pensant que je ne vais pas réagir” !!! Etc.

Je prenais tellement les choses personnellement ; très à cœur même. J’étais incapable de voir la nature profondément impersonnelle et illusoire de toutes choses. Quelque chose en moi guettait chaque occasion de pouvoir vider un peu ma barrique de colère, mon trop plein d’impuissance.

Et lorsque cela se produisait, je me sentais ensuite vide, sans énergie et très coupable de n’avoir pas su me contrôler. Bref, le remède était pire qua la plaie.

Dans mon cas, ma colère remontait au décès de mon papa alors que j’avais dix ans. Derrière cette colère se trouvait en fait un enfant broyé par un immense sentiment d’impuissance et de tristesse face à un évènement douloureusement incontrôlable. D’une nature plutôt calme et introvertie, la seule façon que j’avais trouvé pour exprimer, expurger, extérioriser tout cela consistait à ouvrir une “soupape de colère” au sommet de ma barrique ; juste pour laisser s’échapper toute la pression et l’amertume accumulée.

J’étais simplement prisonnier et esclave d’une histoire que je me racontais depuis des années. Les conséquences sur ma vie et mon entourage en furent douloureuses et, le plus souvent, disproportionnées par rapport à la nature de l’évènement déclencheur.

Observer la colère en conscience

Devenir conscient de votre colère et reconnaître la nature impermanente de toutes vos émotions fait partie de la pratique du méditant.

Autrement dit, le mécontentement, l’irritation ou la colère font pleinement partie de la pratique. Et puisqu’il n’y a rien à réussir, rien à atteindre et rien qui puisse être mal fait, ces ressentis ne sont rien de plus et rien de moins que des expériences à reconnaître, à observer et à accepter.

En réalité tout cela ne vient pas de l’extérieur de nous mais prend sa source en chacun de nous. La pratique de la méditation pleine conscience est une formidable occasion de permettre à tout cela d’exister dans l’instant, d’y être présent sans le juger, sans vouloir le modifier ou l’ignorer.

Bien-entendu, le sentiment de colère peut parfois être justifié et, lorsqu’il est contrôlé, tout à fait utile même. L’énergie de cette colère peut être canalisée pour agir concrètement et, parfois, déplacer des montagnes. Mais que de travail, dans mon cas, pour en arriver là et ressentir une saine (sainte?) colère !

Alors, prenez note attentivement de la façon dont vous ressentez physiquement votre colère. Comment elle modifie votre façon de penser et de vous comporter. Notez également ses différents aspects désagréables et comment elle agit sur votre niveau d’énergie personnel et de bonne ou de mauvaise volonté pour faire certaines choses.

Je vous retrouve demain pour le 3ème obstacle à la pratique: la torpeur.

 

Jean-Marc Terrel
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